L'Iran interdit
Comment faire pour filmer ce que les autorités iraniennes interdisent de montrer ?
Pour réaliser Hors jeu, Jafar Panahi a présenté à la commission qui autorise les tournages un scénario qui parlait de football… mais pas de supportrices ! Depuis son arrestation en 2010, il doit carrément tourner ses films clandestinement et n’a pas le droit de quitter le pays…
Si tu veux en savoir un peu plus, voici un petit reportage de TV5 Monde réalisé en 2016.
C’est aussi en secret que Bahman Ghobadi a tourné Les Chats persans (2016), qui suit deux musiciens de rock (musique aussi mal vue par le gouvernement que le rap) voulant quitter leur pays.
Pour ne pas risquer d’être arrêté.e.s par la police, des cinéastes ont trouvé une autre solution : faire un film qui se passe en Iran, avec des acteurs iraniens… mais en le tournant dans un autre pays. C’est le cas du premier long métrage d’Ana Lily Armipour : A Girl Walks Alone at Night (2014), vendu comme « le premier western vampirique iranien ». Si l’histoire se déroule dans une ville-fantôme iranienne (Bad City), le film a été entièrement filmé en Californie.
Under the Shadow (2016), tourné en Jordanie, est un autre film de genre qui n’aurait jamais pu se faire en Iran. On y suit, à l’époque de la guerre Iran-Irak, une femme et sa petite fille assaillies par un esprit malfaisant dans leur appartement de Téhéran. Un des films d’épouvante les plus flippants de ces dernières années, à voir sur Netflix.
Ce qu’on ne peut pas montrer dans les films iraniens
Propos du réalisateur Adbolrez Kahani tirés de son entretien publié sur France 24
La représentation des femmes. Il y a beaucoup de choses qu’on ne peut pas montrer dans les films en Iran. Chaque femme doit être couverte de manière islamique tout le temps et cela donne lieu à des situations ridicules. Dans les films iraniens, les femmes portent constamment le hijab, même quand elles sont seules ou en famille, alors que la charia et la loi iranienne prévoient qu’elles ne doivent le porter que devant des étrangers.
Le contact physique. Nous ne pouvons pas montrer un homme et une femme dans le même lit, même complètement couverts et à un mètre de distance. Dans n’importe quelle situation, une actrice et un acteur ne peuvent pas se toucher. Imaginez que l’un d’entre eux est malade. Nous ne pouvons pas montrer qu’ils vont se toucher, un geste tellement simple et naturel. Dans les films iraniens, quand un personnage est malade ou blessé, l’autre peut seulement crier ou pleurer. Nous ne pouvons pas montrer de boisson alcoolisée ou de drogue dans les films. J’ai tourné un film en France, On a le temps, dans lequel certaines scènes montrent des personnes qui ne sont pas iraniennes en train de boire, de danser, et donc de se toucher. On m’a demandé de toutes les couper. Si je le faisais, je perdais vingt minutes du film, qui devenait alors un court-métrage. Je ne l’ai pas fait, et je n’ai donc pas eu l’autorisation de le diffuser.